Le document unique, moteur de l’entreprise d’aujourd’hui ?
Prévention

Le document unique, moteur de l’entreprise d’aujourd’hui ?

Romain Coulom
September 16, 2022

La sécurité des salariés : une obligation de résultat pour les employeurs

Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP, souvent appelé Document Unique ou DU) est obligatoire dans toutes les entreprises et collectivités ayant au moins un salarié par un décret du 5 novembre 2001 qui vient s’intégrer à l'article R. 4121-1 du code du travail

“L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.”

Or seulement 45% des entreprises en possédaient un en 2016 une selon le Ministère du travail..

Ce taux relativement bas est principalement dû à une méconnaissance de la réglementation, ce qui implique déjà la mise en place d’un bon système de veille réglementaire.

Le document unique serait aussi controversé pour sa complexité de mise en place et de mise à jour, suivant de nombreux échanges avec une centaine d’industriels issus de plus d’une vingtaine de secteurs différents.

Pourquoi un Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels ?

A la base : l’évaluation des risques professionnels

L’histoire nous montre que des conditions de travail trop exigeantes peuvent mener à une altération de la santé, voire même des maladies ou accidents, autant physiques que psychologiques. 

Ce n’est qu’en 1892 que la prise de conscience des risques au travail et les premières lois autour de l’hygiène et la sécurité des employés apparaissent, traitant principalement du travail d’enfants et de la limitation de durée des journées. La prévention est donc basée sur des normes que l’employeur doit appliquer, et dont il a, lui seul, la responsabilité.

Heureusement, nous avons bien progressé depuis, et c’est à partir de 1976 que la prévention des risques professionnels prend une dimension nouvelle : tout le monde est acteur, du concepteur d’outils au salarié lui-même. A tout cela s’ajoute une logique d’évaluation des risques, résumée par l’état pour les employeurs sur 9 grands principes généraux de prévention énoncés dans l’article L.4121-2 du Code du travail :

  1. Eviter les risques
  2. Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
  3. Combattre les risques à la source
  4. Adapter le travail à l'homme
  5. Tenir compte de l'état d'évolution de la technique
  6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux
  7. Planifier la prévention
  8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
  9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs

L’évaluation des risques professionnels reprend les 2 premier grands principes.

  • Éviter les risques : l’employeur doit supprimer les dangers, ou si c’est impossible, l’exposition au danger des employés
  • Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités : l’exposition au danger doit être quantifiée afin de pouvoir prioriser les situations les plus dangereuses et mettre en place des actions correctives.

La prévention des risques professionnels traduit le travail fait lors de l’évaluation des risques en actions concrètes.

La prévention des risques professionnels : un impact positif sur la qualité de vie au travail

On peut aujourd’hui affirmer qu’un environnement de travail sain permet aux salariés d’être plus motivés.

Mise en avant auprès des collaborateurs, des membres du CSE (anciennement  CHSCT) et des délégués du personnel, la démarche de prévention des risques professionnels permet de prouver que l’entreprise respecte ses obligations. Les actions de prévention des risques, portées par la direction, permettent quant à elles de pouvoir embarquer le personnel dans sa réalisation. L’employeur montre ainsi sa volonté d’améliorer la sécurité des employés.

Certains secteurs, notamment dans l’industrie, qui souffrent d’un manque de main d'œuvre, voient souvent les conditions salariales comme un objet de motivation principal. Grâce à une démarche de prévention des risques affirmée et exposée, l’image de la société ne peut qu’en bénéficier, en faisant un atout majeur pour le recrutement et le maintien des employés. 

La prévention des risques professionnels : un impact positif financier sur l'activité

La santé sécurité au travail peut aussi avoir un impact économique sur l’activité, et tous les secteurs sont concernés. On peut imaginer que les activités industrielles sont les plus exposées, car elles présentent plus de risques pour la santé. 

Mais il faut aussi tenir compte de la pandémie de Covid 19 et des effets d’isolement important qu’elle a eu sur les activités tertiaires, notamment au niveau des risques psychosociaux (RPS). Instaurer une démarche de prévention dans une organisation a donc aussi pour conséquence de diminuer le nombre d’accidents du travail, de maladies professionnelles, et donc les coûts des cotisations liés à ceux-ci.

coût des accidents du travail
Coût des accidents du travail - Source: Lien

Le nombre d’accidents est aussi un critère suivi par les investisseurs notamment dans les activités industrielles. C’est un bon indicateur du mode de gestion de l'entreprise et de l’implication des employés, portant une pondération importante dans la valorisation des sociétés.

Le document unique, un outil utile pour tous

Un outil transversal

Le DUERP est la formalisation de ce travail d’évaluation des risques professionnels tel que le spécifie l’article R4121-1 du code du travail. Sa mise en place concerne toutes les personnes qui sont concernées de près ou de loin par l’entreprise (salariés, intérimaires, tiers externes comme du public ou des clients…).

Comme de nombreux sujets transverses, il est malheureusement souvent porté et animé principalement par le HSE du site. Or c’est souvent les collaborateurs les plus proches du terrain qui ont l’information.

Une mise en place collective

La démarche de mise en place s’organise généralement autour de 2 instances :

  • un comité de pilotage, chargé de définir les périmètres d’actions, la planification, la validation des travaux, de prendre les décisions et de gérer la communication.
  • un groupe de travail, chargé de réaliser le travail d’identification, de classification des risques, et de proposer des actions.

Les étapes de mise en place du document unique

définitions du document unique
Définitions du document unique


  • Définir les unités de travail : une unité de travail correspond à un groupe de personnes exposées potentiellement aux mêmes types de risques (poste de travail, atelier, processus de fabrication).
  • Inventaire par unité de travail des activités et les équipements utilisés et les dangers qu’ils présentent : le danger est la propriété intrinsèque d’un produit, d’un équipement, d’une situation susceptible de causer un dommage à l’intégrité mentale ou physique du salarié.
  • Identification des situations à risques et des dommages potentiels pour les différentes activités identifiées : le risque est l’éventualité d’une rencontre entre l’homme et un danger auquel il est exposé. Le dommage est la conséquence d’une rencontre entre l’homme et un danger.
  • Évaluation des situations à risques : deux composantes caractérisent le risque :
    - La probabilité de la survenance d’un dommage liée à la fréquence d’exposition et/ou la durée d’exposition au danger et la probabilité d’apparition du phénomène dangereux,
    - La gravité du dommage.
    On voit souvent l’évaluation complétée par un niveau de maîtrise qui permet de juger de comment la situation est traitée par l’employeur (par exemple si des mesures de prévention sont déjà mises en place).
    L’utilisateur peut utiliser une échelle de son choix pour pondérer la probabilité ou la gravité.
  • Hiérarchisation des situations à risques : En fonction de la pondération des différentes situations à risques, l’employeur décide sur lesquelles il doit agir en premier.
  • Mise en place des actions de prévention

Une révision régulière plus que nécessaire

Pour que le document unique porte tout son sens, il doit vivre. Cela passe par :

  • Sa mise à jour : l’évaluation des risques professionnels doit évoluer avec l'activité, les technologies, le personnel, les équipements… Elle est obligatoire tous les ans.

  • L’avancement des actions de prévention : les actions de préventions issues des points faibles identifiés lors de l’analyse de risques vont faire évoluer la sécurité des employés, et donc l’évaluation de manière générale.

  • L’historisation de son évolution : depuis peu, le DUERP et ses versions doivent être archivés pendant au minimum 40 ans. Ce délai a été choisi dans un souci de cohérence avec le délai d'émergence potentielle d'une maladie professionnelle.

Le document unique, un outil (volontairement) oublié des entreprises ?

Jusqu’à quelle maille de risque aller ?

La grande question qui vient souvent sur la table est : jusqu'où aller dans l’évaluation des risques ? Il est vrai que si on reprend la pyramide de Bird, tout peut être interprété comme un risque, et la prévention sur les événements les moins visibles reste le meilleur moyen de lutter contre les accidents graves. 

évaluation des risques professionnels

Sans savoir ce qui peut être attendu dans un document unique, l’utilisateur peut se noyer dans tout ce qu’il peut être considéré comme un risque pour l’employé, laissant paraître la tâche comme chronophage et difficilement définissable.

Pour aider les entreprises dans ce cadrage, l’INRS a mis en place une liste de risques, et les dommages qu’ils peuvent causer. On pourra y trouver des fiches techniques et des dossiers sur comment y palier.

Une démarche perçue comme chronophage

Comme pour la plupart des activités transverses, le DUERP est perçu comme une charge de travail supplémentaire par rapport au quotidien opérationnel. Il se retrouve donc dans ce cycle avec :

  • Une phase de mise en place fastidieuse et chronophage en fonction des organisations
  • Une phase de délaissement qui peut être plus ou moins longue
  • Une phase de mise à jour qui revient souvent à une nouvelle rédaction

La plupart des industriels consultés affirment le mettre au mieux à jour une fois par an.

Hors le document unique peut être le point névralgique de nombreuses sources de données d’entrée qui sont alimentées par de nombreux métiers : presque accidents, accidents, produits chimiques utilisés, équipements. Il semblerait donc qu’il s’agit plutôt de l’outil qui permet d’agréger ces données qui ne soit pas adapté à la façon de travailler.

Des outils inadaptés ?

Les principaux outils utilisés sont digitaux. On retrouve souvent :

  • Les tableurs : leur accessibilité fait qu’ils sont le choix n°1, mais deviennent très vite des “usines à gaz” comportants des centaines de lignes dans lesquelles il est très difficile de s’y retrouver, le suivi des actions de prévention et du coup très difficile. Ce document est donc très souvent délaissé, sa mise à jour est fastidieuse, non collaborative et non dynamique la pertinence de cet outil est questionnable.

  • Les outils digitaux : il existe de nombreux outils pour digitaliser le document unique. Ils peuvent avoir l’avantage de cadrer l’utilisateur dans ce qu’il doit faire et ce qui est attendu par les autorités de contrôle, et ainsi minimiser la perte de temps autour de la compréhension du sujet, ou du maintien d’un outil conforme à la réglementation. Pour les meilleurs produits, on se retrouve avec un outil simple et intuitif, adopté par les collaborateurs et donc dynamique. Une nécessité pour bénéficier de la réelle plus value du DUERP.  

document unique digitalisé

Le papier crayon reste tout de même d’actualité dans la phase d’évaluation des risques pour collecter les informations et mettre en place un premier niveau de risque.

Le DUER est mort, vive le DUERP digital !

Le 31 mars 2022 dernier, des nouveautés apportées par la loi santé-travail du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail sont entrées en vigueur, notamment sur le document unique.

Avec la réforme, le document unique évaluation des risques (anciennement DUER) est officiellement renommé document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Il doit être conservé au moins 40 ans par l'employeur et être accessible pour les travailleurs, les anciens travailleurs et toutes les personnes ou instances qui ont un intérêt à y avoir accès.

Mais surtout la nouveauté principale réside dans le fait que le DUERP et chacune de ses mises à jour feront l'objet d'un dépôt dématérialisé sur un portail numérique gouvernemental par les services de prévention. On ne connaît pas encore le détail du fonctionnement de cette plateforme mais pour l’instant, les dates clés sont :

  • 30 septembre 2022 : date butoire de validation par la CNIL du cahier des charge du portail, construit en partenariat avec les organisations patronales parties prenantes et le Gouvernement.
  • 1er juillet 2023 : l’obligation de dépôt du document unique et de l’ensemble des mises à jour entrera en vigueur pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 150 salariés
  • 1er juillet 2024 : l’obligation entrera en vigueur pour les entreprises de moins de 150 salariés. A noter que les conditions s'adapteront en fonction des effectifs et des obligations légales : exigences renforcées de DUERP + PAPRiPACT (programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail) pour les entreprises de plus de 50 salariés / liste d’actions de prévention des risques et de protection des salariés consignée dans le DUERP et ses mises à jour pour les entreprises de moins de 50 salariés

Il semble donc que la direction choisie par les autorités pousse vers la digitalisation du DUERP. Il reste encore à voir sous quel format et dans quelle mesure le dépôt du DUERP sera facile.

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